Le Centre Ouest Africain de Formation et d’Études Bancaires (COFEB) a organisé, le lundi 15 juillet 2024, à partir de 15h30, une conférence-actualité sur le thème « Expériences réussies de mobilisation des ressources fiscales : quelles leçons pour les pays à fort potentiel fiscal en Afrique ? ». Cette conférence a été animée par Monsieur Mbaye DIENE, Professeur titulaire en sciences économiques à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, par ailleurs, Professeur de rang A, associé au COFEB. Elle s'est tenue en présentiel dans l'Amphithéâtre A du Centre avec pour public les auditeurs de la 46e promotion du Centre.

La présidence et la modération de cette conférence ont été assurées par Monsieur Patrick KODJO, Directeur Général du COFEB.

Introduisant la conférence, le Directeur Général a rappelé l'intérêt du thème qui fait l'objet de préoccupations continuelles des autorités monétaires de l'UMOA. Il a indiqué que le taux de pression fiscale dans la zone oscille entre 15 et 16%, ce qui est en deçà de la norme de l'Union, fixée à 20%. Il s'avère donc nécessaire, pour les Etats, de consentir des efforts supplémentaires et d'adapter, au besoin, leur politique budgétaire afin de respecter la norme édictée en la matière. Il a terminé son propos en invitant les auditeurs à suivre avec attention l'exposé du Professeur DIENE afin de disposer des atouts et arguments idoines pour apporter leur contribution aux efforts de leurs pays sur la question fiscale.

Intervenant à la suite du Directeur Général du COFEB, le Professeur DIENE a précisé que le sujet de cette conférence est le fruit de réflexions menées, avec un collègue, sur la fiscalité en général et dont les résultats ont fait l'objet de la rédaction d'un livre qui paraîtra sous peu. Poursuivant son propos, il a indiqué que les pays africains perçoivent relativement moins d'impôts que ceux dans les autres régions du monde. En témoignent les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui montrent qu'en 2019, la pression fiscale moyenne en Afrique était de 16,6% contre 22,9% en Amérique latine et 33,8% dans les pays de l’OCDE. La principale cause serait l'étroitesse des assiettes fiscales tributaires des économies non diversifiées et de la place occupée par le secteur informel.

Dès lors, il devient impératif pour ces pays d’élargir leurs bases fiscales qui sont actuellement minées par la baisse des cours des matières premières et le recul des aides et des dons étatiques. Mais pour réussir cet exercice, il leur faudrait trouver le moyen adéquat pour accroître leurs impôts sans perturber leur économie sachant que l'élargissement de leur assiette fiscale a pour corollaire la réduction des investissements et de la croissance.

Pour répondre à ce dilemme, le conférencier a axé sa présentation sur trois (3) grands points à savoir, l’évolution des pressions et les structures fiscales en Afrique, la mesure des potentialités fiscales et l'identification des stratégies et politiques publiques permettant de relever le défi de l’effort fiscal.

Abordant le premier point, Monsieur DIENE définit la pression fiscale comme un indicateur de mesure des efforts fiscaux d'un pays qui s'obtient par le ratio des recettes fiscales sur le Produit intérieur brut (PIB). Quant aux structures fiscales, elles constituent la répartition des différentes catégories d'impôt dans le total des recettes fiscales.

Le conférencier a fait état de la faible évolution du taux de pression fiscale en Afrique en démontrant que de 2018 à 2020, ce taux n'a évolué que de 0,6 point (22,2%, 22,5% et 22,8%). Il fait tout de même remarquer qu'il existe des disparités entre les pays, car certains ont un taux de pression fiscale supérieur à la moyenne africaine de 22,8% tandis que d'autres sont en deçà de ce seuil à l'instar des pays de l'Afrique subsaharienne. Le même constat est fait au niveau des structures fiscales qui sont différentes d'un pays à un autre. De l'analyse de ces données, il en ressort qu'il est tout de même possible pour ces pays d'atteindre la pression fiscale optimale fixée par le FMI et l'UMOA respectivement à 15 % et 20%. Il faut préciser que ces seuils ont été obtenus grâce à la technique d’estimation de la frontière stochastique, dans les conditions optimales, tant au niveau de l’administration et des politiques fiscales qu'au niveau des performances économiques. A cet égard, il est donc attendu des pays avec un faible taux de pression fiscale, de réduire la distance qui les sépare de la pression fiscale optimale.

Pour mesurer les potentialités fiscales des pays africains de l'échantillon considéré, le conférencier a également utilisé la méthode Stochastic Frontier Approach (SFA) afin de déterminer la frontière de l’efficience fiscale et l’écart fiscal. Ainsi, la frontière de l’efficience fiscale représente l’ensemble des pays les plus efficaces en termes de mobilisation des impôts de toutes sortes tandis que l’écart fiscal constitue l’éloignement de chaque pays par rapport à cette frontière fiscale.

Les résultats de cette étude ont permis de regrouper les pays de l’échantillon en trois (3) groupes, selon le niveau de recouvrement des recettes fiscales, sur la période 2000-2022, à savoir, faible, moyen et niveau élevé de recouvrement. Ainsi, les pays les plus éloignés de leur frontière d'efficience fiscale sont exhortés à trouver les moyens pour réduire cet écart en s'inspirant des expériences de ceux qui ont réussi ce défi tels que l'Afrique du Sud et la Namibie.

Abordant le dernier point relatif à l'identification des stratégies et politiques publiques permettant de relever le défi de l’effort fiscal, le Conférencier a indiqué que cela passe impérativement par une amélioration du système fiscal. Pour illustrer ces idées, il s'est inspiré des expériences réussies en la matière. Ainsi, pour une amélioration des recettes fiscales, le Professeur DIENE suggère (i) l'adoption de réformes visant une réorientation des objectifs et modes d’application des politiques fiscales à l'instar du Maroc et du Sénégal, (ii) une meilleure répartition des impôts selon les potentialités fiscales de chaque pays, (iii) l'introduction des nouvelles technologies dans la fiscalité tel que cela a été fait aux Etats-Unis, (iv) une meilleure évaluation des transferts au sein des entreprises transnationales, (v) la taxation des bénéfices rapatriés par les entreprises minières, (vi) l'accroissement des droits d’accise tel qu'en Gambie, (vii) la diminution des dépenses fiscales faites au profit des investisseurs, (viii) une meilleure application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), (ix) l'augmentation de la taxation de la propriété immobilière urbaine et (x) la renégociation de certains contrats miniers comme initié en Guinée. Il a, par ailleurs, mis l'accent sur la nécessité pour les Etats d'entreprendre des réformes hardies.

Pour conclure, le Professeur DIENE a indiqué que l'accroissement des recettes fiscales des pays africains passe inexorablement par une amélioration des administrations fiscales en se basant sur les potentialités fiscales propres à chaque pays tout en respectant les critères d’équité, de justice, d’efficience et de confiance. A la suite de l'exposé, les échanges de vues ont porté principalement sur les mesures mises en œuvre en Afrique et spécifiquement dans l'UEMOA pour accroître les recettes fiscales, l'intérêt de l'utilisation du modèle stochastique, l'adéquation du taux de pression fiscal au niveau de l'UEMOA, etc. Des réponses à toutes ces préoccupations ont été apportées par le Professeur DIENE.

Le Directeur Général du COFEB a clos les débats, après avoir réitéré ses remerciements au Professeur DIENE pour son exposé très instructif ainsi qu’à l'assistance pour la richesse des échanges.

 

Soyez les premiers à être informés

Contact
Avenue Abdoulaye FADIGA - BP 3108 Dakar - Sénégal
contact-cofeb@bceao.int
Phone : 00 221 33 839 05 00